Entamée il y a plus de quatre ans, la guerre au Yémen se poursuit entre le gouvernement central du pays et les rebelles houthis. Soupçonnés d’avoir commis des « crimes de guerre » inhumains, violents et inconscients, les deux camps s’enlisent depuis dans une situation qualifiée comme la « pire crise humanitaire » par l’ONU. Ce sont aujourd’hui plus de 22 millions de Yéménites qui ont besoin d’assistance pour survivre, soit 3 habitants sur 4, dans un pays où les infrastructures ont été détruites, et le personnel médical n’est plus payé. Retour sur les tenants et les aboutissants d’une crise qui, jusqu’alors, ne cesse de se détériorer.

Une rébellion commencée en 2004

Depuis le début du conflit en 2015, la situation politique et économique du Yémen crée une indifférence presque générale de la part des gouvernements qui se prononcent sur le sujet. Les organisations humanitaires ne cessent pourtant de pointer du doigt, une crise qui ne crée que des ravages sur le paysage yéménite. Malnutrition, manque d’eau, maladies, insécurité…, ces maux ont causé officiellement la mort de plus de 6660 civils depuis 2018, avec un nombre de blessés qui équivaut presque au double. Quant aux chiffres réels, ils « seront probablement beaucoup plus élevés » annonce l’ONU qui essaie tant bien que mal de faire prendre conscience aux dirigeants engagés dans ce conflit.

guerre et famine au yemen

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Dans ce pays à majorité musulmane sunnite, une rébellion a commencé en 2004, formée par les zaydites du pays. Regroupé sous les idéaux de son chef Hussein Badreddine al-Houthi, qui a été tué en septembre 2004, le mouvement houthiste n’a cessé d’enfler au fil des situations de crise qu’a traversé le pays. Pendant le printemps arabe, en 2011, les rebelles se mêlent aux étudiants pour demander le départ du pouvoir du président Ali Abdallah Saleh, dans un mouvement qui sera durement réprimé. Blessé dans un attentat, l’homme a la tête du pays, va finalement s’enfuir du pays pour laisser place à une transition qui va échouer, car les houthistes réclament une région qui leur appartiendrait avec un accès à la mer.

La rébellion progresse jusqu’en 2015 et atteint le palais présidentiel de Sanaa d’où le président yéménite Abd-Rabbo Mansour Hadi est obligé de s’enfuir pour l’Arabie Saoudite. Ce sera le début d’une crise qui sera marquée par des violences indescriptibles entre le gouvernement et les rebelles. Dans la nuit du 25 au 26 mars 2015, l’armée saoudienne, soutenue par les États-Unis, va bombarder les infrastructures les plus importantes du pays, ainsi que le quartier politique des rebelles. Depuis, aucun terrain d’entente n’aurait été trouvé.

Un conflit qui dure depuis 5 ans

guerre au yémen

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La durée du conflit s’explique principalement par la présence d’un territoire bien tenu par les houthistes. Ils ont pris une solide position dans la partie du nord-ouest du pays, dans les régions les plus peuplées avec près de 22 millions d’habitants. Par ailleurs, ils ne souhaitent pas vraiment négocier leurs conditions « puisqu’ils tiennent le terrain », explique François Frison-Roche, ancien directeur du projet français d’aide à la transition du Yémen. Le spécialiste continue son exposition des faits en rappelant que si la guerre s’enlise, c’est à la base à cause d’un rapport de force qui a été mal analysé par le prince hériter saoudien Mohammed ben Salmane. Au poste de ministre de la Défense au début de la guerre, le prince pensait régler en trois semaines un conflit qui dure depuis maintenant 5 ans.

S’il peut continuer à mener sa politique qui refuse de céder aux conditions des rebelles, c’est en partie grâce au soutien inconditionnel de Donald Trump qui campe sur la même position que les Saoudiens en voyant la rébellion houthie, comme une main armée de l’Iran.

Les États-Unis auraient apporté seulement en 2017, plus de 130 milliards d’équipements militaires à Riyad pour réprimer une coalition qui n’existe pas. En effet, les allégations derrière lesquelles s’appuient ces deux camps restent difficiles à prouver puisque « l’Iran ne fait pas du Yémen son terrain essentiel » éclaire François Frison-Roche. Selon le spécialiste, la capitale iranienne soutient plus politiquement les houthistes que financièrement et militairement.

Un peuple qui s’éteint lentement

Ces différentes situations ont été préjudiciables pour la population yéménite qui est grandement impactée. Malgré la présence de plusieurs organisations humanitaires à l’image de Solidarités International, qui lèvent la voix en écho à l’alarme sonnée par les Nations Unies, la situation ne cesse d’empirer. Sur 22 millions de personnes qui ont besoin d’assistance humanitaire, près de 16 millions n’ont pas accès à de l’eau potable. On compte également 11 millions d’enfants qui grandissent dans une situation de malnutrition où un enfant meurt toutes les dix minutes à cause d’une maladie qui aurait pu être soignée. Le bilan annuel s’élève à près de 30 000 enfants qui meurent chaque année dans le pays, à cause de la malnutrition.

famine au yémen

famine au yémen

Médecins sans frontières apporte autant que possible son aide en essayant de contenir le problème de la malnutrition. Toutefois, comme le relève Frédéric Bertrand, son chef au Yémen, « le principal problème constaté est un manque d’argent » qui est engendré par une situation qui empêche le travail, qui déprécie la monnaie nationale et force les populations à se déplacer vers d’autres pays. Les familles qui sont restées faute de moyens essaient de rationner leur alimentation, d’où le problème de la malnutrition. Les maladies n’étant pas en reste, la diphtérie, la rougeole et le choléra continuent de faire de nombreux morts dans le pays.

Derrière cette situation déjà accablante, certaines régions sont encore la cible de bombardements qui se sont intensifiés en novembre 2018, laissant derrière eux des morts qui ne seront pas enregistrés. La principale crainte des organisations reste l’arrivée du conflit dans les zones où les civils sont à présent reclus pour assurer leur sécurité.

De cette grande crise humanitaire dans laquelle de nombreux états sont suspectés pour leur aide aux camps des combattants, on retiendra surtout un appel à l’aide lancé par l’ONU en 2017, appuyé par cinq longs reportages du journal Le Monde à mettre fin à la crise au Yémen. L’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans des conditions atroces, et la photo d’une fillette yéménite squelettique du New York Times sur sa une, n’auront somme toute pas permis aux dirigeants de ce monde de prendre les décisions adéquates pour mettre fin à cette tragédie.