Vous avez acquis un fonds de commerce pour développer votre activité, mais la revente intervient avant cinq ans. Une telle opération peut-elle ouvrir droit à une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) sur la plus-value réalisée ? Décryptage d’un mécanisme fiscal souvent méconnu.
Le cadre de l’exonération des plus-values
Lorsqu’une société soumise à l’IS cède une branche complète d’activité ou des éléments équivalents, comme un fonds de commerce ou un fonds artisanal, elle peut prétendre à une exonération totale ou partielle sur la plus-value réalisée, sous certaines conditions comme l’explique le spécialiste des transmissions d’entreprises et de fonds de commerce Pic International. Cette exonération repose sur l’article 238 quindecies du Code général des impôts (CGI). L’objectif ? Faciliter les transmissions d’entreprises tout en garantissant une certaine pérennité économique. Cependant, le bénéfice de cette mesure est strictement encadré.
Totale ou partielle : les règles de l’exonération
Pour prétendre à l’exonération totale, la valeur des éléments cédés (par exemple, le fonds de commerce) doit être inférieure ou égale à 300 000 euros. Entre 300 000 et 500 000 euros, l’exonération devient partielle : un système proportionnel s’applique, réduisant progressivement l’avantage fiscal au fur et à mesure que la valeur dépasse le seuil inférieur.
Au-delà de ces montants, aucune exonération n’est possible : l’ensemble de la plus-value devient imposable au taux normal de l’IS.
Les conditions pour accéder à cet avantage fiscal
Pour bénéficier de cette exonération, plusieurs critères doivent être remplis :
- Le statut de PME : la société cédante doit répondre à la définition européenne de la PME. Elle doit avoir moins de 250 salariés et respecter l’un des deux critères financiers suivants : un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros.
- L’indépendance capitalistique : le capital de la société ou ses droits de vote ne doivent pas être détenus à plus de 25% par une autre société, sauf si celle-ci est également une PME.
- L’absence de lien avec l’acquéreur : la société cédante ne peut pas être contrôlée directement ou indirectement par la société cessionnaire.
- Une durée minimale d’activité : la société doit avoir exercé son activité depuis au moins cinq ans à la date de la cession.
Focus sur la durée d’activité
La condition des cinq ans constitue souvent une source de confusion. Selon la loi, ce délai débute à la date d’exercice effectif de l’activité et se termine à la date de cession de la branche complète d’activité. Mais qu’en est-il lorsque l’activité est répartie sur plusieurs établissements ou fonds de commerce ? Cette question a fait l’objet d’une clarification récente.
Une activité répartie sur plusieurs fonds
Prenons un exemple : une société exploite un fonds de commerce depuis de nombreuses années et en acquiert un second pour développer son activité. Elle revend ce second fonds après seulement trois ans d’exploitation. Cette cession peut-elle bénéficier de l’exonération d’IS ?
La réponse est oui, comme l’a confirmé le Conseil d’État dans une décision du 13 juin 2018. L’administration fiscale soutenait que la durée de détention spécifique du fonds cédé devait être d’au moins cinq ans pour ouvrir droit à l’exonération. Mais le Conseil d’État a opté pour une interprétation plus large et favorable aux contribuables.
Selon cette jurisprudence, ce n’est pas la durée de détention du fonds en question qui compte, mais bien la durée d’exercice de l’activité globale de la société dans le même secteur. Ainsi, si l’activité exercée via le fonds cédé s’inscrit dans une continuité avec celle pratiquée depuis au moins cinq ans, l’exonération peut s’appliquer.
Illustration concrète de la décision
Dans l’affaire examinée par le Conseil d’État, une société spécialisée dans la vente de produits d’optique exploitait un fonds de commerce depuis plus de huit ans. Elle acquiert un second fonds d’optique qu’elle revend trois ans plus tard. L’administration fiscale refuse l’exonération partielle sur la plus-value de cette cession, arguant que le second fonds n’avait pas été détenu pendant cinq ans.
Le Conseil d’État a rejeté cette position, arguant que la société, ayant exercé la même activité depuis plus de cinq ans, remplissait la condition de durée d’activité exigée par l’article 238 quindecies. Par conséquent, elle pouvait bénéficier de l’exonération partielle, malgré la cession anticipée du second fonds.